Origine du 25 novembre: Journée Internationale contre les Violences à l’égard des Femmes

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Le 25 novembre 1960, trois sœurs, Patria, Minerva et Maria Teresa Mirabal, furent brutalement assassinées sur ordre du dictateur Dominicain, Rafael Leonidas Trujillo. L’attentat eut lieu sur la route de Salcedo, alors que les trois femmes revenaient d’une visite à leurs époux emprisonnés à Puerto Plata, au Nord de la République Dominicaine.

En 1981, lors de la Première Rencontre Féministe de l’Amérique Latine et de la Caraïbe tenue, du 18 au 21 juillet, à Bogotá en Colombie, le 25 novembre a été déclaré Journée Internationale Contre la Violence à l’Egard des Femmes. A cette rencontre, les femmes ont systématiquement dénoncé la violence sexospécifique issue de la bastonnade domestique, du viol et du harcèlement sexuel, de l’état de violence y compris la torture et les abus des femmes politiques prisonnières. Le 25 novembre a été choisi pour commémorer l’assassinat violent des trois sœurs Mirabal.  Les organisations de femmes haïtiennes participent également à ces rencontres.

La Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard de la Femme est adoptée par la résolution 48/104 de l'Assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 1993.

En 1999, les Nations Unies ont officiellement reconnu le 25 novembre comme Journée Internationale de l’Elimination de la Violence à l’égard des Femmes.

Le 25 novembre en Haïti

Depuis 1987 en Haïti, les organisations de femmes, en particulier les féministes, commémorent le 25 novembre. Elles rendent ainsi aussi hommage d’une part, à la mémoire de la militante haïtienne Yvonne Hakim Rimpel (militante féministe, militante politique, militante de la liberté de la presse, torturée et violée sous la dictature de François Duvalier en janvier 1958) et, d’autre part, au courage des millions de femmes qui, dans le monde entier, luttent pour faire échec à la violence faite aux femmes.

Extrait du roman « Au temps des papillons » de Julia Alvarez, paru en 1994 qui présente une adaptation de la vie des sœurs Mirabal

Minerva

1960

Résidence surveillée p296

Toute ma vie, j’ai voulu quitter la maison. Papa disait toujours que, de ses quatre filles, j’aurais dû être le garçon, destiné à partir. D’abord, j’ai voulu aller en pension, puis à l’université. Quand nous sommes entrés dans la clandestinité, Manolo et moi, j’ai fait des allers-retours continuels entre Monte Cristi et Salcedo, pour faire la liaison entre les cellules. Je ne supportais pas l’idée d’être enfermée dans une seule vie. Quand nous avons été libérées, en août, et placées en résidence surveillée, on aurait pu croire que c’était un châtiment conçu spécialement pour moi. Mais, en réalité, c’était comme si on me servait ma peine sur un plateau d’argent. A cette époque, je n’avais qu’une envie : vivre chez Mama avec mes sœurs et élever nos enfants.

Les premières semaines ont été difficiles.

Après sept mois de prison, dont une bonne part en isolement, les stimulations étaient trop nombreuses. La sonnerie du téléphone, l’arrivée d’un visiteur (avec l’autorisation du Commandant Pena, bien entendu), Pena qui passait, en personne, pour s’enquérir du visiteur, Don Bernardo apportant des goyaves, les pièces où on pouvait entrer et dont on pouvait sortir, les lacets des enfants qu’il fallait nouer, la sonnerie du téléphone qui retentissait à nouveau, et que faire du lait caillé ?

Au milieu de la journée, quand j’aurais dû profiter du soleil et emplir mes poumons de bon air de la campagne, je préférais le silence de ma chambre. Je quittais ma robe, je me glissais entre les draps et je regardais les taches de soleil, sur les feuilles à travers les jalousies à peine entrouvertes.

Je m’asseyais, stupéfaite de succomber à un tel laisser-aller. En prison, j’étais forte et brave. Rentrée chez moi, je m’effondrais.

Ou bien, pensais-je, m’allongeant à nouveau, il faut que je change de vie et c’est ainsi que ça recommence.

[…]

Nous avions droit à deux sorties par semaine : le jeudi pour aller voir les hommes à La Victoria et le dimanche pour aller à la messe. Mais, alors que je pouvais me déplacer, je redoutais de sortir de la maison. Dès que nous nous engagions sur la route, mon cœur se mettait à cogner et ma respiration se précipitait.

L’espace m’oppressait, la sensation d’être à la dérive dans une foule de gens qui me pressaient de toutes parts, qui voulaient me toucher, me saluer, m’encourager. Même à l’église, pendant l’instant d’intimité de la communion, le padre Gabriel se penchait et soufflait :

  • Viva la Mariposa !

Les mois passés en prison m’avaient élevée à un statut surhumain. Comme j’avais défié notre dictateur je ne pouvais pas me permettre une crise de nerfs pendant la communion.

J’ai caché mes angoisses et souri à tout le monde. S’ils avaient su à quel point leur héroïne à la volonté de fer était fragile ! Les efforts qu’il me fallait faire pour jouer le rôle le plus difficile : être comme avant.

Extrait de l’exposition : Ou sont les femmes, bientôt disponible intégralement sur le site Egalego

 

FÉMINISTES ET ORGANISATIONS DE FEMMES - DES LIGNES D’ACTION POST-SÉISME (2)

La situation a changé, le vide sera difficile à combler, mais l’engagement ne faiblit pas. Les grandes dates continueront d’être commémorées, la prise en charge des fillettes, des adolescentes et des femmes victimes de violence s’effectuera sans relâche, les dossiers seront instruits, et les plaidoyers auprès des politiques pour la prise en compte des incidences des rapports sociaux de sexe et des effets pervers et dégradants de certaines lois discriminantes ne cesseront pas.

Cependant, deux grandes lignes d’actions marqueront la période post-séisme. Pas nécessairement par leur aspect totalement novateur puisqu’elles s’inscrivent dans la continuité d’actions déjà entreprises, mais par leur envergure, dans ce moment précis où la relance s’avérait tellement nécessaire.

En premier lieu, la remise en branle de la Concertation nationale contre les violences faites aux femmes. Les féministes en sont d’emblée membres et ce sont elles qui mènent les débats avec les institutions et les ministères concernés : Condition féminine et aux droits des femmes, Santé publique et population, Justice et sécurité publique.

Un travail remarquable d’investissement de temps, d’énergie, de réflexion, dans des conditions adverses, pour aboutir à la publication du troisième Plan National 2017-2027 de lutte contre les violences envers les femmes, document de 106 pages, validé par les ministres et publié en janvier 2017.

Maintenant, compte tenu du peu d’engagement de l’Etat, le plus difficile reste à faire : veiller à l’application des axes d’intervention du Plan national qui se déclinent en cinq points :

- Prévention de la violence envers les femmes et les filles

- Amélioration des services d’accompagnement

- Renforcement du système de référence

- Systématisation de la gestion des informations

- Coordination, suivi et évaluation des actions

La composante “éducation aux droits humains” s’est également imposée afin de “sensibiliser et informer sur les droits humains des femmes et des filles et les violences spécifiques à leur égard”.

À signaler que les féministes avaient contribué à la publication en 2014 de la Politique d'égalité Femmes Hommes 2014-2034, un document de politique publique qui désigne clairement la vision, les principes, les enjeux ainsi que les interventions attendues de l'Etat et de la société en général pour poser les bases d'un changement radical dans la division sexuée des rôles et des responsabilités.

La seconde ligne d’action s’inscrit dans une démarche, elle aussi entreprise antérieurement, mais qui aujourd’hui vise à systématiser davantage les études féministes dans leur dimension scientifique. Les tentatives de créer un cursus académique dans une université haïtienne en lien avec une ou des universités étrangères afin de former de nouvelles générations de féministes tardent à se concrétiser, mais le projet reste entier et les pistes ouvertes.

La conférence internationale et interdisciplinaire organisée en avril 2016 à l’Université Quisqueya sur le thème “De la pratique à la science : renouveler les récits sur les femmes en Haïti”, avec des chercheures de haut niveau, haïtiennes et étrangères, constitue un moment fort de la volonté actuelle des féministes de faire de la recherche et des publications de nouveaux outils dans le combat sans fin pour désengluer la société de ses scories patriarcales et de construire dans leur complexité, de nouveaux savoirs sur le genre.

Les Actes de la conférence publiés en 2018 sous le titre Déjouer le silence - Contre-discours sur les femmes haïtiennes restent et demeurent un important ouvrage de référence sur les pratiques, les discours et leur architecture théorique.

Pour plus d’informations, merci de vous référer aux sites de nos organisations partenaires

Solidarite fanm Ayisyèn

Mouka

Negès Mawon

Kay Fanm

Ou visionner la série Okonba sur le site Egalego sur l’engagement des femmes haïtiennes contre la violence faite aux femmes et aux filles, entre autres.

 

[1] - Les informations sur les Rencontres Féministes sont extraites du document “16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes, 25 novembre au 10 décembre 2002 » de la neuvième campagne annuelle de Center for Women’s Global Leadership.

Adresse et contact

FOKAL - OPEN SOCIETY FOUNDATION HAITI
143, Avenue Christophe BP 2720 HT 6112
Port-au-Prince,Haïti | Tel : (509) 2813-1694

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