« La Marche » de Bernard-Marie Koltès, une mise en scène de Miracson Saint-Val avec Pascale Julio et Staloff Tropfort est proposé au grand public le vendredi 1er juillet à 6h 30 pm dans les jardins de FOKAL, dans le cadre de la première édition du festival « En lisant » de BIT-Haïti.
La Marche est une pièce à quatre personnages, inspirée du Cantique des Cantiques.
… aussi loin que je me souvienne, il y a ces bras et ces jambes, tendus par secousses sous les poutres et les pierres. Les mains écrasées et les pieds qui grattent le sol en soulevant la poussière. Des visages encore tout souriant, et d’autres graves, après lesquels, au moment où c’est arrivé, le sourire et la gravité sont restés accrochés. Je les ai vus ensuite, à travers la poussière, se secouer, s’agiter, comme pour faire tomber le sourire qui collait, ou les rides entre les yeux. Puis tout doucement, ralentir, ralentir, jusqu’à s’arrêter. Et tout s’est arrêté, les visages, les pieds, les mains. Tout s’est immobilisé à travers la brume, dans le chaos. Et la brume s’est épaissie, et les corps soudés aux pierres se sont éloignés, éloignés, jusqu’à n’être plus visibles ; plus visibles du tout.
Bernard-Marie Koltès, La Marche, extrait
Note du metteur en scène
Lutter pour se refaire une vie, lutter pour conserver un brin d’intimité au milieu de ce monde fait de chaos, lutter pour se souvenir, se souvenir de son corps, se souvenir de chaque pas que l’on a pu faire, chaque pas que le monde par ses fléaux a broyé, voila de quoi il est question. Quand le monde extérieur nous détruit, quand la guerre, la mort nous rend complètement paranoïaque, se battre pour se refaire une vie devient une lutte incessante. Quels chemins prendre ? Seule la lutte a la réponse. Notre travail est essentiellement axé sur la reconstruction de cette intimité détruite. Une notion que nos couples, nos familles ont perdu, vu les conditions existentielles non existantes. Et tout ce que nous possédons s’évapore, et nous ne faisons qu’attendre, attendre que la fumée soit montée, attendre que la poussière repose enfin sur les pierres. La Marche est une lutte pour l’espoir, une lutte pour l’action d’aimer.