RÈL, Créer à partir de rien... ou de peu

Rel a DufortCréer. Créer du beau, de ce lieu même qu’on dit en déshérence. De ce lieu qui aujourd’hui peine encore à faire advenir l’humanité dont il se réclame, celle qui enfouie sous les décombres du passé continue pourtant de nourrir inlassablement, de manière paradoxale, l’imaginaire de nos artistes.

Créer à partir de rien... ou de si peu. Se saisir de cette matière inerte qui connut souvent d’autres usages, la récupérer, la modeler, la transformer, lui insuffler une présence qui ne s’explique pas, qui se vit avec insolence, avec défiance, hors toute convenance, car l’œuvre d’art qui en naît, admirable, étonne autant qu’elle séduit.

Bergson ne disait-il pas que le beau c’est la victoire de l’esprit sur la matière ? Ici pas de platitude, encore moins de banalité ou d’ennui. L’esprit qui souffle est celui de la colère, de l’inacceptable, du refus. Le cri. Rèl ! L’œuvre elle-même en est l’expression quel que soit le langage esthétique privilégié.

Le Centre d’art ouvre l’année 2021 par une remarquable exposition de ces artistes plasticiens, ceux qui ont su l’espace d’une création, transcender leurs conditions matérielles pour nous offrir des œuvres d’une étonnante vitalité. Invoquer la précarité de l’existence mais en même temps convoquer l’inspiration et provoquer la matière pour en faire du neuf. Traverser le feu et les flammes des « assassins d’aube» dénoncés par Aimé Césaire, tenter la mise à distance dictée par la pandémie, et s’inscrire dans un procès pour conjurer le malheur, les œuvres qui en résultent ne peuvent être que bouleversantes.

Huit artistes se déploient et se dévoilent en une cinquantaine de créations. Sans exhibitionnisme ou hubris, avec pudeur même, chez Max Grégoire Benjamin et Jhonny Cinéus, et humour chez Lhérisson Dubréus. L’art contemporain n’offre pas de lisibilité immédiate, il utilise un métalangage qui méthaphorise et subvertit ce qui tient lieu de réel. Voir, sentir et donner à penser le rapport à l’autre, à l’espace et au temps, c’est l’initiation à laquelle nous convient l’impétuosité monumentale de Guyodo, les personnages indociles de Killy, les innovations conceptuelles de David Boyer, le bleu lapis-lazuli de Paskö empreint de désir et de sensualité, et l’élégance, la grâce et le sens que Celeur infuse à de banals objets de récupération.

Comment ne pas saluer la scénographie de l’exposition conduite par Pascale Théard qui a su mettre en partage le travail de création souvent minutieux (Dubréus, Benjamin, Boyer, Cinéus) mais incontestable chez eux tous, et en lumière, dans la pluralité et la diversité des modes d’expression, l’acte de résistance de l’artiste qui refuse de sombrer, et en créant, crie haut et fort sa manière d’habiter le monde.

Un grand merci au Centre d’art, à tous ceux et celles qui ont contribué à cette belle exposition, la 274ème depuis sa création.

Un seul regret, pas une seule femme artiste. Elles aussi auraient, à leur manière, porté loin le cri.

Michèle Duvivier Pierre-Louis Décembre 2020

 

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