Hommage à Chaby Kasim Tarick

KAsimPort-au-Prince s'est réveillée, ce 14 avril 2020, avec la triste nouvelle du départ du guitariste, ancien musicien de KORAL FOKAL, Chaby Kasim Tarick. Ses compagnons du Collectif Feu Vers, Béo Monteau et Eliezer Guérismé, et son ami James Pubien lui rendent hommage. 

 

 

Chaby Kasim Tarick, quel beau nom.

On s’est croisé comme par hasard à l’anniversaire d’une association ; tu devais chanter ce jour là. Et moi, j’étais invité à slamer. Je t’ai proposé de m’accompagner à la guitare, tu as dit oui sans hésiter.

Après la prestation, je t’ai proposé de rejoindre le collectif Feu vers ; tu as dit oui sans réfléchir.

Pour rentrer à la maison, on a fait la route à pied, tellement on avait des choses à se raconter. Tous les projets qu’on allait monter ensemble.

Tu avais intégré Feu vers et il fallait imaginer des projets ensemble. Il faut lancer un nouveau spectacle, m’as-tu dit. On a conçu Slama-Sutra. Toutes les lignes musicales ont été conçues sous ta supervision : Tiny, Edriss, Gilles et Kebyessou se sont épanouis musicalement à tes côtés.

Tu étais également notre chef cuisinier. C’est ainsi qu’on t’appelait.

Je t’ai souvent dit, Chaby, faut te lancer. Faut imaginer tes propres projets musicaux. Car tu avais toujours des projets. Même si tu aimais bien l’idée de nous accompagner dans nos projets personnels. Toujours au côté de Jeh sur scène pour ces concerts. Beo jouait toujours avec toi.

Étienne n’attendait que toi pour créer la mélodie de ses morceaux de slam.

Et ensuite tu as intégré la Chorale Fokal. Je me souviens de ton sourire dans les répétitions. Ces sourires complices que tu partageais avec Kerby. À chaque note que tu égrainais : Mizik, konpè... Mizik... Mizik Konpè... Mizik!

Tu as décidé de suivre des cours de guitare à la Sainte Trinité. Te confronter avec de nouveaux styles : la musique classique, le jazz, la musique populaire. Toutes ces expériences t’enrichissaient.

La musique a été ta vraie passion. Toujours avec ta guitare. Allant et venant avec cette boîte. Ta seule vraie arme pour affronter la vie. Ton combat. Tu jouais chaque note avec une grande force, une force mûrie. Comme si la musique suffisait pour affronter la horde des démons. Tu souriais toujours au son de la musique, chaque note te transportais.

Tu souriais à la vie. Tu aimais la vie.

Tu avais beaucoup de projets. Hélas! Trop de rêves...

Quelle est cette maladie qui est rentrée dans ton corps et qui t’as ravagé ? Tu as croulé comme une ville sous les cendres. Comme les villes qui partent en fumée. Quelle est cette sale maladie qui t’a consumé comme une allumette ? À quel moment as-tu choisi de t’en aller ? À quel moment as-tu décidé de partir ?

Partir en ce temps de crise. De pandémie. Comment te dire au revoir ? Comment faire le deuil ? Comment oublier ? T’oublier ? En passant, qu’est-ce qu’on va faire de ta guitare ? On va la garder, on n’enterre pas un rêve.

Eliezer Guérismé


La chanson

Je me souviens que la chanson était propice à la rencontre, elle avait sa part d’ombre, sa part de lumière et sa part de ses autres choses qu’on arrivait pas à déceler et qui rendait la magie possible. Un homme suppliait une femme de revenir, il disait qu’il n’arrivait pas à l’oublier, qu’il était encore possible, de rêver, de croire, de voir leur cœur poussé ensemble. Je me souviens que tu mettais un peu plus de soleil par-dessous ta voix pour faire surgir l’espérance que l’absente allait revenir avant les dernières notes.

Je me souviens que tu n’arrêtais pas de chanter, et ta voix pouvait être bleue et voler comme une libellule, et ta voix pouvait dire nos faux pas, et ta voix racontait parfois des histoires de noyades. Les cinq jeunes garçons qui avaient pris la mer pour aller chercher la vie ailleurs. Il y avait beaucoup d’absents dans ta voix quand tu parlais le langage des noyés. Comme si, comment dire, comme si à t’entendre, on aurait dit qu’ils s’étaient noyés dans ta gorge.

Je me souviens que tu pouvais faire des choses banales avec ta bouche. Tu pouvais par exemple fumer une cigarette. Je me souviens que je devais toujours aller te chercher des cigarettes quand on répétait à la maison de Laraque. Je n’aimais pas ça, aller chercher des cigarettes. Comment savoir quoi aimer chez l’autre ? Comme la voix du chanteur raconte le deuil des marchands de cigarettes à la mort d’un comédien. Tu chantais et ton cœur battait à son lieu habituel et au loin nous n’entendions pas la radio jouer tout bas une chanson à son déclin : « Everybody’s gotta live and everybody’s gonna die ». La voix d’Arthur Lee sur sa gratte acoustique nous disait de ne pas nous inquiéter du reste tant qu’on avait l’amour.

Je me souviens qu’on avait de l’amour. Oh Yeah ! On avait vu des millions de soleils se lever. Dans le bus qui nous ramenait de Cote-Plage, elles avaient dit que si nous restions avec elles, elles ne partiraient jamais, alors nous nous étions arrêtés. Tu te souviendras des cinquante millions de chansons qui nous entouraient : à l’alliance française de Jacmel, à l’hôtel de Gonaïves, à Fokal, à l’Institut français d’Haïti et sur d’autres routes tordues où les câbles de la guitare ne fonctionnaient pas, où il fallait courir chercher les piles. Je me souviens qu’on avait de l’amour. Oh Yeah !

Je ne sais pas si se quitter c’est diminuer le potentiel de la chanson ou si les départs étaient une absence non contrôlée. Les gens mouraient tous les jours, et même lorsqu’on ne chantait pas… les gens continuaient de mourir. Nous avions tous un beau nom. Nous ne pouvions pas dire à quel âge nous allons devenir un absent sur la liste des autres. Nous savions que nous serions toujours trop jeunes pour nous demander si nous avions posé les bonnes questions dans le passé et trop vieux pour espérer que le futur nous donne toutes les réponses. Nous pouvions juste suivre la chanson : elle est immortelle. Il faut la suivre la chanson, sans bagout, dépasser nos pas, et elle nous élèvera au degré suprême. L’amour est dans la chanson, nous ravalons nos peines et notre tristesse. Aux heures de pointe, la chanson arrivera et nous ne cesserons jamais de t’aimer dans les notes qu’elle dévoile.

Béo Monteau

 

Tracking number for Chaby

Parce qu' il avait du bonheur à vaporiser sur les plaies d'enfance... Alcool, cigarettes et trivia track... il est mort comme une ombre sous les néons!
Parce qu' il avait le rêve à portée de guitare non il n' est pas mort
Non mort que de nom
Non mort comme quand on recommence... quoi?
La partie !
Non, fin du tout
Faim de tout
Et
Assoiffé des joies incertaines...
Comment suivre la marche certaine de la mort
Non de la vie!
Oui ! La vie
Celle qui chante faux que Chaby l' accompagne
Et
Puis
Il y a cette question de pourri au royaume de la vie
Non de la mort

-Shakespeare, are you ready?

-What's question?

-What's tracking number for Chaby?

Port-au-Prince, 23 avril 2020
James Pubien

Adresse et contact

FOKAL - OPEN SOCIETY FOUNDATION HAITI
143, Avenue Christophe BP 2720 HT 6112
Port-au-Prince,Haïti | Tel : (509) 2813-1694

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