WSDC : Débattre, c’est jouer… mais aussi préparer l’avenir

Par Ricardo Nicolas, Coordonnateur du Programme Initiative Jeunes (PIJ) de la FOKAL, technicien de débat contradictoire.

Cette affirmation trouve toute sa pertinence dans le format WSDC (World Schools Debating Championship), qui constitue à la fois un espace de jeu intellectuel et une véritable initiation à la vie citoyenne. Contrairement à d’autres formes de débat plus académiques et rigides, le WSDC repose sur une idée centrale : chaque débatteur doit jouer le rôle d’un parlementaire. La salle de débat devient une chambre parlementaire miniature, avec ses logiques, ses affrontements et ses négociations.

Ainsi, lorsque l’on parle d’équipe de la proposition, il s’agit de l’équivalent du gouvernement. Les jeunes qui composent cette équipe se présentent comme des parlementaires porteurs d’un projet de loi. Leur rôle est de transformer une motion en politique publique, d’expliquer pourquoi ce changement est nécessaire et de défendre un modèle cohérent devant un jury qui, pour l’occasion, joue le rôle d’un comité parlementaire ou de citoyens attentifs. Face à eux se dresse l’équipe de l’opposition, un autre groupe de parlementaires qui contestent la légitimité ou la pertinence de cette loi. Leur mission peut être de défendre le statu quo en montrant qu’il fonctionne bien, mais aussi de démontrer les failles du modèle proposé ou d’offrir une alternative politique.

Cet aspect de simulation est essentiel pour comprendre ce qui distingue le WSDC. Le débat devient ici une mise en scène de la vie politique. Le jeune débatteur ne vient pas seulement réciter un argument, il s’imagine déjà dans la peau d’un acteur politique qui doit convaincre, rassurer, réfuter et proposer. Comme le rappelle souvent Élizabeth Pierre-Louis, le débat est un jeu. Dans ce format, ce jeu prend la forme d’un théâtre démocratique où chacun joue son rôle avec sérieux, mais aussi avec la légèreté propre au ludique. C’est ce double caractère, à la fois amusant et formateur, qui fait la richesse du WSDC.

En jouant à être parlementaire, le débatteur découvre le fonctionnement de la cité. Il comprend que les lois ne tombent pas du ciel, qu’elles sont le fruit de discussions, de désaccords, de compromis, de visions du monde qui s’affrontent et se répondent. Il prend conscience que la loi est un outil de développement, un instrument de régulation sociale qui peut ouvrir des perspectives ou au contraire créer des blocages. Plus encore, il apprend que derrière chaque politique proposée se cache une conception de la société, un projet de vie collective, une idée de ce que doit être le citoyen et du rôle que l’éducation, la culture, l’économie ou la justice doivent jouer dans sa formation.

Le WSDC devient donc bien plus qu’un simple jeu d’éloquence. Il est une initiation à la citoyenneté. Le jeune débatteur qui y participe apprend à construire une argumentation solide, à l’exposer avec clarté, à réfuter avec rigueur et à proposer avec imagination. Mais au-delà de ces compétences oratoires, il découvre surtout le sens profond de la démocratie délibérative : la conviction qu’une société se bâtit par le dialogue, par la confrontation des idées, par la recherche d’un équilibre entre différentes visions.

C’est là toute la force pédagogique de ce format. En s’amusant à débattre, les jeunes préparent en réalité leur avenir de citoyens. Ils s’exercent à penser en termes de politiques publiques, à se projeter dans les enjeux collectifs, à comprendre que chaque loi, chaque réforme, chaque décision politique est le produit d’un processus qui ressemble, dans son essence, à ce qu’ils vivent dans une salle de débat. Ce qui est un jeu aujourd’hui deviendra demain une compétence civique fondamentale.

Ainsi, débattre dans le format WSDC, c’est accepter cette double dimension : jouer pleinement le rôle du parlementaire dans un exercice ludique, tout en prenant conscience que derrière ce jeu se cache une préparation à la vie adulte, à la vie citoyenne, à la construction d’un avenir collectif. Débattre, dans ce sens, ce n’est pas seulement manier des mots, c’est déjà commencer à construire le monde que l’on voudrait habiter.