Créer un parc public à Port-au-Prince: Le Parc National Urbain de Martissant (PNU-MAR) | Partie II – Le Parc de Martissant

Site PNU MARTLe projet du parc de Martissant dans la zone d’aménagement concertée s’étend sur un ensemble boisé de 21 hectares. Déclaré d’utilité publique en 2007 par arrêté présidentiel en vue de la réalisation du parc de Martissant, le territoire du projet comprend plusieurs propriétés dont les anciennes Habitation Leclerc, résidence Pauline, résidence de Katherine Dunham. Depuis avril 2017, le Parc de Martissant est devenu un parc national urbain par arrêté présidentiel (PNU-MAR).

jardin medinalFOKAL, selon le mandat qui lui est attribué par l’État, a travaillé, avec d’autres partenaires institutionnels publics et privés, en particulier l’Open Society Foundations, l’Union européenne et le gouvernement haïtien sur le projet du parc de Martissant. Il comprend deux volets. Le premier concerne le travail continu de FOKAL dans le quartier pour améliorer la qualité de vie à Martissant et favoriser des démarches citoyennes responsables dans la zone. Il a fait l’objet de l’article précédent de Nouvel FOKAL.

Le second concerne l’aménagement et l’ouverture du parc naturel au grand public. Il s’agit d’une forêt urbaine unique de 21 hectares dans la capitale haïtienne. Elle est située à  Martissant, au centre d’un immense quartier périphérique de Port-au-Prince.

Le Mémorial du Parc de Martissant

DSC 7977 11 memorial des femmesLe mémorial est un espace commémoratif érigé en souvenir des victimes du tremblement de terre de 2010. Ce sont les habitant.es du quartier qui suggérèrent que ce beau jardin soit transformé en mémorial. Espace de loisir, de promenade, de recueillement, de rencontres. L’inauguration du mémorial eu lieu en janvier 2012 par une cérémonie œcuménique célébrée par un pasteur, un prêtre, un serviteur musulman et un houngan. Depuis, chaque année, une cérémonie mémorielle s’y tenait le 12 janvier à laquelle participaient des centaines de gens du quartier et d’ailleurs. C’était l’occasion de proposer des spectacles de chants, de récits de poèmes, et d’un traditionnel discours qui mettait l’accent sur la mémoire des disparu.es, et de l’importance de continuer à vivre en toute dignité. Pour les féministes et les organisations de femmes qui ont enregistré de lourdes pertes lors du tremblement de terre et ont toujours commémoré à nos côtés dès 2012, nous avons voulu honorer la mémoire des disparues en leur consacrant une exposition inaugurée le 12 janvier 2019. Il était également question de leur accorder un espace dédié au souvenir de ces femmes qui ont beaucoup lutté pour les droits des femmes et contre la violence basée sur le genre.

Depuis 2021, la commémoration se tient ailleurs.

Le Centre culturel Katherine Dunham et le Jardin de plantes médicinales

Katherine DunhamLe Centre culturel Katherine Dunham (CCKD) est une médiathèque comprenant un espace multimédia pourvu d’un coin presse, trois espaces de lecture pour les enfants, les jeunes et les adultes entièrement informatisés. Cet espace porte le nom de l’ancienne propriétaire de ce site, mais de aussi de l’habitation Leclerc, Katherine Dunham (1909-2006), danseuse, chorégraphe, anthropologue afro-américaine internationalement saluée. Elle avait fait de ce lieu sa résidence lorsqu’elle était en Haïti. Le CCKD recevait chaque jour des centaines d’enfants et de jeunes qui venaient lire, s’instruire, assister aux conférences, animations, ateliers, rencontres, projections, et emprunter les livres et les lampes solaires qui avaient donné au CCKD le nom de « bibliothèque lumière ».

 jardin medicinal avec Marilise RouzierLe jardin de plantes médicinales, situé à l’arrière du CCKD est le résultat d’une collaboration entre architectes, paysagistes, botaniste et ouvriers d’exécution. C’est l’ensemble de ces savoirs et savoir-faire qui a donné lieu à la création d’un bel espace ouvert et agrémenté de coins pour des rencontres, d’une fontaine en cascade qui part d’une petite place conçue pour rendre hommage, par des colonnes torsadées, aux 21 nations du panthéon vodou, dans une perspective culturelle et non religieuse. Toutes les plantes médicinales ont été classées par famille et par efficacité thérapeutique, et étiquetée par leur nom vernaculaire en créole, leur nom et classement scientifiques.

Le bibliotaptap

bttBibliothèque mobile, le bibliotaptap était destiné à offrir des activités de lecture et d’animation dans les espaces publics, places, marchés, et dans des écoles. Il a été créé sur une idée du directeur de Bibliothèques sans frontières (BSF), à la suite du tremblement de terre qui a détruit les rares bibliothèques qui fonctionnaient encore. BSF s’était engagé à appuyer la création de trois bibliotaptaps qui devaient être pris en charge par les institutions respectives : FOKAL, la Direction nationale du livre (DNL) et la Bibliothèque nationale d’Haïti (BNH). Seule FOKAL a maintenu les services de notre bibliotaptap jusqu’à 2019. Avec la montée de l’insécurité, les visites n’étant plus possible, nous avons dû en sécuriser le contenu. Le véhicule taptap qui fut transformé en bibliothèque se trouvait dans le parking de FOKAL. Il a été volé par les gangs armés lorsqu’ils ont envahi les bureaux de FOKAL à l’avenue Christophe en mars 2025.   

L’habitation Leclerc : la réhabilitation des bungalow, l’aire de jeux pour enfants, le parc d’aventures, la pépinière, la grande boucle, le mur des droits humains

 rehabilitationLe Mémorial et le Centre culturel Katherine Dunham, entièrement reconstruits ont été ouverts au public en 2012. Cependant le parc boisé le plus important en superficie, l’habitation Leclerc, était encore en construction lorsque l’accès au parc nous a été interdit. En 2017 nous y avons réhabilité les anciens bungalows de l’hôtel pour en faire des lieux de réunion de travail, construit une belle aire de jeux pour les enfants et un parc d’aventure pour le public adulte devant accueillir des activités sportives, le yoga, la danse etc.

 tourAu cours de cette même année, nous avons procédé à la réhabilitation des bassins Marasa, un ensemble de trois bassins alimentés par un circuit d’eau en boucle, disposés autour de deux passerelles, le tout formant une petite place.

C’est aussi dans cet espace que nous avons créé une pépinière où étaient exposées plantules de plantes ornementales, essences fruitières et forestières, fleurs, pour la vente à des prix compétitifs. Nous y produisons également du BRF (bois raméo-fragmenté) et du compost de grande qualité.

 pontEn cette même année, nous entreprirent les travaux de reprise des cheminements piétons et de frayage d’une grande boucle qui permettait de faire le tour de la propriété et d’admirer ainsi les arbres, la cascade, et l’environnement apaisant de cet espace. La boucle débouche sur le mur des droits humains, une initiative menée par la plasticienne bruxelloise Françoise Schein. Sa méthode est de travailler avec des élèves d’écoles participantes et de les inciter à traduire en dessins leur interprétation des droits humains. Ces dessins sont ensuite transcrits tels quels sur des carreaux de mosaïque et montés sur un mur. Une vingtaine d’élèves y ont participé. Notre mur d’environ une quinzaine de mètres a eu beaucoup de succès, particulièrement auprès des jeunes.

 

 

Parc et science

 calebassierSi la viabilité du parc reposait sur l’inclusion des habitant.es du quartier dans le développement de ses programmes, la dimension scientifique en était également une composante indispensable. Il nous fallait d’abord prendre connaissance de la flore du parc dans sa diversité, d’autant que le cahier des charges avait proposé la création d’un arboretum devant évoluer vers la mise en place d’un réel jardin botanique.

  • Les études floristiques

En 2008 et 2009, deux études floristiques ont été confiées à des agronomes afin d’identifier les fleurs, plantes, herbes, espèces fruitières et forestières du parc. Ces inventaires devaient nous permettre de découvrir l’existant et d’étiqueter toutes les espèces d’après leur nom et classement scientifiques, leur nom vernaculaire, mais en même temps de faire l’acquisition des espèces qui n’y figuraient pas.

  • L’Institut des métiers et des sciences de l’environnement

 EtudiantsFOKAL a fait l’expérience des difficultés à trouver des ressources humaines compétentes dans des domaines techniques liés à l’environnement tout au long de la création du parc de Martissant. Nous avons appris qu’il n’existe pas un seul horticulteur ou une seule horticultrice en Haïti. Le constat va plus loin et révèle la quasi-absence de formation en techniques environnementales pour la gestion de l’eau, des forêts, des espaces publics, des travaux d’aménagement, du respect des normes et procédures en vigueur, et dans le domaine de la qualité environnementale en construction etc. La recherche universitaire commence à peine dans les domaines de l’environnement (eau, agroforesterie, agroécologie, agriculture biologique, milieux marins, gestion des déchets, gestion des excrétas, etc.). Les compétences sont rares pour la prise en charges des questions liées à l’émission de carbone, aux risques et désastres, à l’élaboration de normes de qualité environnementales. Des possibilités de formation dans ces domaines ouvriraient des perspectives d’emploi pour des centaines de jeunes dans les secteurs public et privé.

Habitation PaulineEn 2012, FOKAL décide de créer dans la Résidence Pauline, une des annexes de l’Habitation Leclerc, un Institut des métiers et des sciences de l’environnement (IMSE) pour parer à certaines carences dans le domaine. L’espace s’y prêtait car les anciennes chambres de l’hôtel pouvaient être réhabilitées en salle de classe, laboratoires, etc.

L’Institut des sciences et métiers de l’environnement devait remplir un rôle décisif dans la constitution d’un corps de technicien.nes et de cadres spécialisés dans le domaine environnemental. L’institut cherchera à mettre en place des dispositifs novateurs de recherche et d’expertise avec objectifs notamment de fédérer et de mutualiser les moyens et les capacités de recherche sur des thématiques centrales pour Haïti.  Ces dispositifs pourraient intégrer des services et des outils de diffusion et de valorisation de la production scientifique, et de mise en réseau des universités haïtiennes et étrangères œuvrant dans les domaines de l’environnement.

 etudesUne étude de faisabilité fut lancée et réalisée par une agronome qui avait de l’expérience dans le domaine. Les 17-18 décembre 2013, FOKAL organisa un important séminaire international de deux jours auquel furent conviés des représentant.es des instances politiques et académiques et des partenaires potentiels, haïtiens et étrangers, parmi lesquels, côté haïtien : le Représentant du Président de la République, le Ministre de l’Environnement, la Secrétaire d’État à la formation professionnelle, le Secrétaire d’État à la production végétale, la Secrétaire exécutive du CIAT, les représentant de la Faculté des sciences et de la Faculté d’Agronomie et de médecine vétérinaire, le représentant du cabinet du Ministre de l’Agriculture, le directeur de l’Institut national de formation professionnelle (INFP) et le staff de FOKAL. Les partenaires étrangers invités : la représentante de la direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, France ; la représentante de l’Université Louvain La Neuve (Belgique), spécialiste du Cacao ; la représentante de l’Université des Antilles (Guadeloupe) ; les représentants de Darmouth College (USA) où une délégation de FOKAL avait été invitée, de Earth University (Costa Rica), de l’Université de Lyon II (France) et de l’Université de Laval (Canada). Ce furent deux jours de discussion et d’échanges riches et stimulantes qui laissaient augurer la mise en place de l’IMSE avec des collaborations nationales et internationales qui en ont bien saisi les enjeux.

retraite 3Mes mots de remerciements à la clôture du séminaire ont dit ce à quoi nous aspirions :

« Nous voulons d’un institut construit sur des piliers qui pour nous sont d’une importance capitale : la dimension éthique, la dimension scientifique et technique, la dimension pédagogique, la dimension entrepreneuriale. »

L’IMSE ne vit jamais le jour. Nous en rêvons encore.

  • Le Conseil scientifique

L’idée d’avoir un conseil scientifique qui accompagne FOKAL dans la mise en place des programmes et activités qui relèvent de l’expertise de chercheur.es et universitaires d’ici et d’ailleurs a pris naissance très tôt dans la construction du parc, et s’est affirmée lors de la réflexion sur la création de l’Institut des métiers et des sciences de l’environnement.

Le 23 novembre 2018, FOKAL organisa la première rencontre des membres qui avaient donné leur accord pour en faire partie, une quinzaine d’universitaires haïtiens et étrangers y ont participé.

Après que chacun des membres présents aient exprimé, certains avec enthousiasme, leur vision pour le conseil et le rôle qu’il peut jouer dans l’accompagnement des activités du parc. Les membres se sont entendus sur les points suivants :

  1. Le PNU-MAR peut être un espace de recherche innovante
  2. Le conseil scientifique doit pouvoir imaginer le type de projets pour lesquels il nous faudra chercher du financement, car ce sera aussi notre rôle et le financement existe pour les projets écologiques, scientifiques, éducatifs et environnementaux.
  3. Le conseil scientifique devrait servir de lieu de réflexion/cadrage sur les projets à entreprendre en assurant la documentation nécessaire et la communication nécessaires.

Ce fut la première et la dernière rencontre du Conseil. La situation d’insécurité grandissante causée par les gangs armés du quartier allaient vite interdire même l’accès au parc.

En guise de conclusion

Inauguration CCKDJ’ai probablement omis plein de travaux et d’activités que nous avons menés au cours des quatorze ans  de création et de gestion du Parc national urbain de Martissant. Je pense à tout ce qui a été fait dans les écoles, en éducation civique, en enseignement des sciences, en jardins scolaires, en transformation de certains résidus solides en objets utilitaires ou d’art. Difficile de tout dire lorsqu’il y a tant à dire.

Au cours des rubriques qu’il m’a été demandé d’écrire pour les 30 ans de FOKAL, j’ai évité de donner les noms des gens auxquels je faisais référence, sauf rarement. Mais dans le cas du parc, je tiens à nommer la formidable équipe sans laquelle tous les travaux et activités dont j’ai parlé plus haut n’auraient pas pu être réalisés. Lorraine, Lucie, Thierry, Babette, Edmonde, Sacha, Myriam, Michèle, Cécile, David, Danièle, Dany, Patrick, Emmanuel, Romuald, Frank, Yolande, Edson, David, Eddy, Rolando, Robinson, Amorse, Jean-Marry qui a conduit une étude ornithologique dans le parc et soutenu une thèse de doctorat sur les oiseaux de trois sites dont le parc, les jardiniers, les gardes champêtres, les chauffeurs, les Ateliers de Camperrin, particulièrement Franco qui a monté la belle passerelle à Leclerc avec tant d’enthousiasme et qui nous a laissés cette année, Marilise, ACTE, les équipes de EVA et de tous les autres bureaux d’études et de construction qui ont travaillé dans le parc. Qu’ils et elles soient de nouveau remerciés.

Michèle Duvivier Pierre-Louis
Présidente de FOKAL
1er septembre 2025Voltus

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