Les leçons du 12 janvier 2010
Par Roody Edmé
Le 12 janvier 2010, la terre a violemment tremblé en Haïti, laissant derrière elle un paysage de désolation. Un séisme dévastateur a réduit une grande partie de la capitale en ruines, emportant la vie de centaines de milliers d'Haïtiens. Des milliers d'autres vivent encore aujourd'hui avec les lourdes séquelles de cette tragédie. Frappé en plein cœur par cet implacable déchaînement des forces naturelles, le pays ne s'est jamais totalement relevé.
Sur YouTube et à la télévision, on a pu revoir le documentaire d'Arnold Antonin, Chronique d'une catastrophe annoncée, qui nous rappelle nos devoirs envers notre terre natale. Ce film souligne que cette tragédie résulte non seulement des failles géologiques, mais aussi de notre irresponsabilité envers l’environnement – une négligence coupable.
Un thème qu'aborde également, en filigrane, le récit « Failles » de la romancière Yanick Lahens, à travers un texte débordant d'humanité, où transparaît la « résistance chlorophyllienne » de nos « capitaines des sables » – ces jeunes altruistes qui ont sauvé tant de vies avant même l'arrivée de l'aide internationale.
Ce dimanche 12 janvier, la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL) a été le théâtre d’un rassemblement empreint d’émotion et d’engagement. Des dizaines de personnes se sont réunies non seulement pour se souvenir, mais aussi pour construire l’avenir autour du thème évocateur « Rasanble, Sonje, Espere ».
Cette commémoration, loin d’être un simple moment de recueillement, a été une invitation à l’action et à l’espoir. Les mots puissants de Georges Castera ont résonné, portés par la voix vibrante de la diseuse Néhémie Bastien :
« Lan peyi dAyiti, ti moun ap fè move rèv
Yo wè bagay dwòl nan dòmi
Yo wè koulèv
kap mache ak gode dlo lan kou
Men lan peyi dAyiti gen fòs ki leve kanpe
Yo kanpe tankou zèb ki pa janm sispann pouse. »
Ces vers, porteurs d'une émotion brute et d'une expression traumatique face à des réalités cruelles, ont trouvé un écho vibrant auprès de l’assemblée. De même, les paroles de Yanick Jean, choisies avec soin pour l’occasion, ont invité à une réflexion profonde sur l’héritage et la transmission :
« Je sais que d'autres pas reposeront dans mes pas.
Alors seulement, ma mémoire se renouvellera. »
Anthony Phelps, toujours porté par la voix envoûtante de Néhémie Bastien, nous murmure avec gravité que « la nuit est encore jeune, et la nouvelle aurore n’a pas achevé le cycle de sa lente maturation. »
FOKAL a voulu offrir un spectacle pour que « la mémoire se souvienne » mais surtout pour que jamais nous ne cessions de nous engager, de raviver la flamme vacillante d’un avenir encore possible.
Plus qu’un hommage, cet événement fut une promesse vibrante : celle de ne pas s’égarer dans l’oubli, et surtout, de continuer à avancer. Ensemble. Avec pour unique boussole, l’espoir.
Partout dans le pays, une prière s’élève : que les politiciens cessent leurs funestes contorsions autour du totem « maléfique » du pouvoir, et qu’enfin, ils se penchent sur les profondes « blessures de la terre », celles qui saignent en silence sous nos pas. Car si rien ne change, ces cicatrices finiront par emporter avec elles l’espoir même d’une renaissance.