10 ans de K2D : La photographie de Georges Harry Rouzier investit son quartier
Dans le cadre des célébrations marquant le dixième anniversaire du Kolektif 2 Dimansyon (K2D), ce samedi 28 septembre fut l’occasion d’un deuxième « Open Studio », une étape clé parmi les diverses initiatives organisées pour honorer une décennie de créativité collective. Le rendez-vous artistique s’est tenu à 3 heures, rue Savain à Delmas 31. En harmonie avec l’essence même du style photographique de Georges Harry Rouzier - la photographie de rue - la majorité des œuvres étaient exposées en pleine rue, offrant aux passants et aux curieux la possibilité d’apprécier la profondeur et l’humanité de ses images.
Dès midi, un flot de visiteurs, mêlant amateurs d’art et voisins du quartier, s’est laissé porter par la curiosité et l’émerveillement. Cette affluence témoigne de la force de l’art lorsqu’il quitte les espaces traditionnels pour investir la rue, en tissant des liens immédiats et inattendus avec la communauté locale. Ces expositions, au-delà de créer des moments d’intimité et de partage artistique, représentent un moyen pour le collectif de délocaliser ses activités artistiques habituellement confinées au centre-ville.
Parmi les œuvres phares présentées lors de cette journée, certaines ont particulièrement retenu l’attention : Haïti, l'île enchantée , une vision onirique et poétique du pays ; On voit de toutes les couleurs, une critique sociale percutante dénonçant la pollution urbaine envahie par les plastiques ; Une ville dans la ville , véritable immersion visuelle dans la vie nocturne de la capitale ; et enfin, une série de portraits de l’Artibonite, réalisés au début de la carrière de Rouzier, révélant les mystères et la profondeur de cette région à travers des clichés empreints d’une sensibilité singulière.
Actuellement, Georges Harry Rouzier se penche sur un nouveau projet à forte charge émotionnelle, centré sur les victimes de l’insécurité, ce fléau qui gangrène le pays depuis plusieurs années. Par ce projet, il entend donner la parole aux cicatrices invisibles laissées par cette violence omniprésente. « Réaliser un reportage sur l’insécurité n’est pas chose aisée. Les victimes, souvent encore traumatisées, hésitent à livrer leur témoignage. Il me faut donc faire preuve de patience. J’ai déjà recueilli quelques récits, mais ils ne suffisent pas encore à rendre compte de l’ampleur de ce que je souhaite transmettre. Néanmoins, je reste confiant quant à l’aboutissement de ce projet », a confié l’artiste avec détermination. Ce projet pourrait représenter une œuvre sociale majeure, une sorte de cri visuel face à l’indifférence qui entoure ces drames quotidiens, tout en soulevant des questions sur le rôle de l’art dans la dénonciation des violences et des inégalités sociales.
Lors de cet événement, Rouzier a également exprimé sa gratitude envers la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), qui, depuis la création du Kolektif 2 Dimansyon, soutient sans relâche ces artistes locaux dans leur quête de liberté créative. Ce soutien, tant financier que moral, a permis au collectif d’élargir ses horizons, en délocalisant ses expositions tant à l’étranger qu’en Haïti, touchant ainsi un public plus large, souvent éloigné des circuits artistiques classiques.
« Grâce à ce support, nous avons pu transformer nos rêves en projets concrets, et notre art a pu trouver sa place dans l’espace public », a-t-il ajouté. Les initiatives de FOKAL ont non seulement renforcé la cohésion artistique au sein du collectif, mais elles ont aussi contribué à l’épanouissement d’un art engagé, porteur de messages forts et empreint d’une conscience sociale aiguë. En ce sens, ce deuxième « Open Studio » n’a pas seulement marqué les esprits comme une célébration de l’art en plein cœur de la rue, mais aussi comme un acte de résistance culturelle face aux défis contemporains auxquels le pays est confronté.