Le Cap garde son cap

Debat CAPSoixante-quinze (75) jours après son sacre national, le club de débat du Cap-Haïtien a organisé un tournoi individuel de débat : un type de compétition différent de ce qui se fait habituellement dans le Programme Initiative Jeunes de FOKAL, dont le club fait partie. Ce tournoi s'est réalisé le samedi 1er octobre 2016, à l’université du Roi Henri Christophe du Cap-Haïtien (URHC). 

En présence des nouveaux membres du club, environ une cinquantaine de jeunes recrutés en septembre 2016 à la fin des vacances d’été qui viennent de plusieurs établissements scolaires de la ville du Cap (les collèges Regina Assumpta, Externat Saint François Xavier, Modèle, Notre-Dame, Saint Joseph, l'Essor, Pratique du Nord ; les Lycées Nationaux Philippe Guerrier, Dutty Boukman, Bréda), des étudiant-es de l'URHC, du Centre national de formation à distance, ainsi que des parents et ami-es qui ont été invités à prendre part à l’activité.

L’objectif de cette compétition inédite a été de donner le goût et l'envie du débat aux nouveaux membres du club et de faire émerger des talents cachés parmi eux, et de savoir quel rôle conviendrait le mieux à tel ou tel jeune de façon à construire des équipes beaucoup plus équilibrées, beaucoup plus complémentaires et surtout beaucoup plus efficaces pour représenter le club dans les tournois officiels de FOKAL.

Le format utilisé pour un tel tournoi, reste le même que celui utilisé par le programme de débat de FOKAL, le format Karl Popper, néanmoins avec quelques modifications : chaque joueur avait l'obligation de faire les 3 discours différents du format Popper, le premier, le deuxième et le troisième ; les différents contre-interrogatoires ont été supprimés. 

Donc le match est à un « un contre un », et les débatteurs ont le même temps de paroles que  dans le format Karl Popper régulier soit (6 minutes, 5 minutes et 5 minutes, y compris 6 minutes et 30 secondes de préparation). Les débats sont jugés sur la forme, c’est-à-dire la qualité de l’expression, la fluidité du discours, et sur le fond, autrement dit la pertinence des arguments, la cohérence de ces derniers avec le sujet et bien évidemment les supports apportés pour chaque cas. La durée de chaque rencontre était de 45 minutes.

Le tournoi s'est déroulé autour du sujet : « L’état haïtien devrait interdire la mendicité dans les rues ». Il y eut huit (8) participants : Jean Élie François, Johanna Augustin, Briana A. Philemy, Findji Pierre, Lovinsky Fils-Aimé, Schneidine Poux, Frislin Pascal, Boris Edska Bordenave provenant de différentes institutions de la ville. Quatre (4) filles et quatre (4) garçons répartis en deux groupes de quatre. Chaque joueur a joué trois matches en phase de poules et les deux meilleurs joueurs de chaque poule se sont retrouvés pour disputer les demi-finales, et les vainqueurs des demis sont passés  directement en finale.

L'argumentaire de cet énoncé s'est tourné autour du critère de l'ordre public et du développement touristique pour le cas affirmatif, sur le critère de la solidarité humaine pour le cas négatif. Trois arguments forts ont marqué les discours affirmatifs. Selon eux, premièrement « ne pas interdire la mendicité dans les rues constituait l'expression d'une impuissance publique ou encore de mal gouvernance », supporté par une déclaration du philosophe français des Lumières, François Voltaire : « Tout pays où  la mendicité fait rage est mal gouverné ».

Debat Cap 2Deuxièmement, la mendicité représente « une source d’insécurité pour l’économie du pays »  dans la mesure où des brigands se cachent derrière ce phénomène pour voler, détrousser et braquer des institutions privées, ainsi que d'honnêtes citoyens ; d’où l’arrêté du 24 septembre 2012 émis par le commissaire du gouvernement de Port au Prince, actuel sénateur de la république M. Jean Renel Senatus « qui interdit la mendicité à proximité des banques commerciales et des institutions publiques et privées ». Pour finir, la mendicité affecte le développement du tourisme dans le pays.

Les discours des cas négatifs, élaborés autour du principe de la solidarité humaine, étaient soutenus par trois arguments principaux. Le premier stipulait que « la mendicité ne doit pas être interdite mais, plutôt être combattue » parce qu’elle ne constitue pas en soi un délit (mineur ou majeur) et encore moins un crime. Elle ne saurait d’ailleurs en être un. Le meilleur moyen de combattre la mendicité, c'est de s'attaquer à la base véritable du problème : la pauvreté.

Deuxièmement, « criminaliser la mendicité est discriminatoire » car elle portera atteinte à la liberté individuelle, et conduira à l'irrespect du droit fondamental de l’être humain, qui est le droit à la vie. Interdire à quelqu'un qui n'a pas d'autres moyens de subsister de mendier, c'est l'interdire de vivre, le mener directement à sa tombe, et donc une violation flagrante des droits de l'homme. 

Et pour clore,  « l’état ne peut pas interdire la mendicité dans les rues quant lui-même est le premier mendiant ». Cette position met l'accent sur le fait que le budget national est financé chaque année jusqu'à 70 % par la communauté internationale et que pour organiser nos élections, à chaque fois il nous a fallu le financement de pays donateurs. 

Findji et Lovinsky qui disputaient leur premier tournoi de débat, ont créé la surprise en se hissant au dernier carré du tournoi : Findjy a battu François Jean Élie (Meilleur débatteur du tournoi local en Avril 2016) en phase de poule, et il l'a retrouvé encore en finale après un match serré contre Lovinsky. Les deux sont les révélations de cette compétition. « J’étais loin de me douter que Findji était capable de débattre à un tel niveau. Je ne lui connaissais pas ce potentiel », déclara Edwin Berly Pierre-Louis, animateur du club, après avoir jugé le match opposant Findji à Jean Élie en phase de poule. « Ce jeune maîtrise à la lettre les discours 1 et 3. J'ai jamais rencontré de discours 1 si bien charpenté », approuva Jefferson Fabien, un autre juge.

Lovinsky, pour sa première expérience avec le débat formel, ainsi que sa première participation à un tournoi de débat, s'est révélé être un futur débatteur de classe nationale, en dépit de quelques faiblesses dues à son inexpérience. Il s'est frayé un chemin parmi tous ces compétiteurs pour atteindre les demi-finales de la compétition. « Il ne lui manque que la concision et la clarté du langage, il a un très gros potentiel pour le débat », a commenté Saint-Hubert Jean Reynald, juge ayant aidé à la réalisation de la compétition.

Les principaux gagnants de ce tournoi sont d'abord Jean Élie François, sacré Champion pour la première fois, qui confirme son statut de super-débatteur du club ; ensuite Findji Pierre qui est sorti vice-champion à la surprise générale, et Lovinsky Fils-Aimé qui a remporté le titre de « Révélation du tournoi »; et en dernier lieu, Alendy Almonor, qui a été désigné par le vote des différents participants Meilleur juge.

Après un petit sondage mené auprès des personnes présentes par le biais d'une petite fiche de commentaire anonyme, le résultat a montré que le public a été très satisfait, que ce soit les juges, les membres du club, et les invités aussi. Cet événement a eu un impact positif sur tous les spectateurs. D’aucuns étaient vraiment enthousiasmés par le débat formel. D'ailleurs, une jeune élève de la ville a déclaré : « Je n'avais jamais imaginé que les débats pouvaient se passer aussi bien. Je suis épatée ! Malgré mon emploi du temps assez chargé, je vais me débrouiller pour participer aux rencontres du club et devenir une très grande débatteuse». Un autre participant, de passage dans la ville du Cap ce samedi, s'est exclamé : « Je n'ai jamais vu pareille chose de ma vie ! Et n’était-ce parce que je ne vis pas en Haïti, j’aurais participé activement et intégré le programme ».

Je ne peux terminer cet article sans envoyer des remerciements spéciaux à Ejymson VALMIR qui nous a donné cette idée, et deux(2) autres jeunes du club, Arnelle Philémy et Yves-Mary Saint-Hubert, qui se sont donné corps et âme pour l'organisation et la réussite ce tournoi.

Alendy ALMONOR

Animateur du Club de Débat du Cap-Haïtien

 

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