« Epilogue d’une trottoire » à FOKAL

image epilogue dune trottoireLa pièce « Epilogue d’une trottoire », de Alain-Kamal Martial, sera présentée à la salle Fokal-Unesco, les jeudi 26 et vendredi 27 avril à 6h PM. L’interprétation est de Rolaphton Mercure, selon une mise en scene de Louisna Laurent. L’entrée aux deux représentations se fait sur invitation, à retirer à l’accueil à partir du vendredi 20 avril à 10h AM.

 

Scénographie : Anastal Marc Wesly

Lumières : Jean Ronald Pierre

J’écris comme on crie un cri sourd qui t‘étouffe au niveau de la gorge, un cri qui ne veut pas sortir et pourtant qu’on pousse de toutes ses forces.

Je ne bricole pas des pièces de théâtre, je déchire des cris, des rires, des énergies de vie, des transes, des coups de couteaux, des ciseaux, des choses qui m’habitent qui se révèlent sur le plateau…

… Parce que je pense aussi que la scène c’est un lieu d’écoute, pas seulement pour le public mais aussi pour l’auteur, l’auteur de théâtre est un passeur de parole, un créateur d’énergie de parole, un être pluriel parce qu’en lui vivent tous ceux qui ont besoin de dire, même ceux qui ne peuvent pas dire, l’auteur dramaturge fait parler le muet. L’auteur doit incarner cette nécessité de dire même là où la parole est impossible ou plutôt surtout là où la parole est devenue impossible.

Alain Kamal Martial

La trottoire ? C’est la femme d’Afrique qui arpente l’asphalte.

Une silhouette immobile émerge lentement de l’obscurité, et une voix répète une lente litanie presque biblique : « Je ne veux pas finir comme ça; je ne veux pas mourir étouffée… je ne veux pas … ». Ainsi commence notre plongée dans un univers infernal où la femme-prostituée semble se distancier d’elle-même alors qu’elle contemple un corps agonisant sur le trottoir. On comprend très vite cependant, qu’il s’agit de son propre corps mutilé par un client enragé. Il lui a percé un trou dans le crâne, un autre dans la nuque et l’a pénétrée par ce nouvel orifice, pour perpétrer le viol d’une plaie ouverte et saignante.

« Épilogue d’une trottoire » est le dernier acte de la trilogie des Épilogues – après « Épilogue des noyés » et « Épilogue des ventres » – d’Alain Kamal Martial. Le texte est la parole d’une femme qui agonise. Une anonyme des trottoirs du quartier de Tsaralalàna à Tananarive, Madagascar, une femme qui parle au moment où elle meurt. Une prostituée africaine. La fin de son récit, la fin de sa vie. Il est l’incarnation – là où incarner est impossible – de toutes ces femmes qui se relèvent du trottoir, les putes.

La pièce commence avec un mur de Port-au-Prince, qui pourrait être un mur de n’importe quelle ville, dans n’importe quel pays où s’exerce un métier aussi vieux que le monde. Un métier qui ne s’apprend dans aucune école. La prostitution. C’est autour de ce mur que s’organise le travail. Le travail d’une prostituée.

Non, elle n’aime pas cette vie. Non, ce n’est pas une vie. C’est un faux choix. Car les femmes, les hommes, qui s’y adonnent n’ont pas le choix. Être réduit à vendre sa chair, être dépossédé de son propre corps ne saurait être un acte de libération. On ne peut pas avoir du plaisir avec toute la planète (dixit Danièle Magloire).

Ce mur c’est un « lieu commun », un lieu visible à tous à défaut de nous être familier. Il est sur le chemin que nous empruntons tous les jours mais notre regard se dérobe. Tabou. Nous refusons de nous soumettre à la violence de ces lieux où se défoulent nos plus bas instincts.

C’est l’histoire d’une pute assassinée sur un trottoir. Elle agonise, elle crie à l’aide, mais personne ne vient. Où somme-nous ? Où étions-nous ? En quoi cela devrait-il nous interpeller ? Peut-être parce qu’une prostituée rêve elle aussi de pain chaud et de draps frais.

C’est aussi un mur de silence, un mur pour cacher les péchés. Les nôtres ou les leurs ? Il serait mieux de mourir derrière ce mur pour n’être vu de personne. Ce mur qui sépare les gens de bien, la société bien pensante des parias. Mais pour une fois, c’est devant que ça se passe. Et l’auteur s’inspire de faits avérés.

Puisque l’auteur choisit de mettre en lumière cette violence sordide présente dans nos sociétés, avec une parole dénuée de fausse pudeur, afin de donner la voix aux sans voix, j’ai tenu, moi aussi, tout au long de ce travail, à jouer avec cette braise incandescente, plus par devoir et par défi que par facilité.

À partir de ce moment, la pièce s’organise autour de ce mur symbolique et physique où le meurtre a été perpétré. Il délimite la scène en deux espaces qui est, pour l’un, ce que le regard serait prêt à supporter et pour l’autre, ce que nous préférons ne pas voir ou ce que nous feignons d’ignorer. Il est aussi la frontière entre l’intime et le public. Mais les frontières sont faites pour être franchies.

Le jeu du comédien s’inscrit donc autour de ce mur imposant et ce va-et-vient entre l’intime et l’extérieur. Il est par moment la prostituée et lui emprunte un corps sans artifice. Il reconstitue avec elle sa mémoire. Il joue. Nous jouons. Mais il sait que c’est un jeu périlleux. Il défie les espaces temporels et physiques. Il le fait en pensant aux milliers d’hommes et de femmes qui jouent chaque soir leur vie sur le trottoir. Parviendra-t-il, et nous avec lui, à faire tomber un pan de notre propre mur intérieur ?

Louisna Laurent

Alain Kamal Martial

Alain Kamal MartialNé à Mayotte, qu’il quitte après le baccalauréat pour entreprendre un DEA des littératures française, francophone et comparée à l’université de Bordeaux-III. Il poursuit ensuite des études théâtrales au sein du LERTA (laboratoire d’études et de recherches théâtrales d’Avignon) et des études doctorales à l’université de Cergy-Pontoise.

Éternel chercheur des poésies nouvelles, il met en place des laboratoires d’écriture autour du canal de Mozambique. Il organise à Mayotte, aux Comores, à Madagascar et au Mozambique des ateliers d’écriture et d’échange entre auteurs et comédiens. Cette collaboration fructueuse aborde les arts comme un moyen d’expression du monde contemporain et de débat sur les préoccupations des hommes dans leur société. Avant toute prééminence de forme, l’écriture est ici poésie incisive, elle invente et réinvente l’homme. Elle naît des énergies de survie que développe le personnage inscrit dans un monde qui exige de lui une aptitude à surmonter la violence quotidienne des milieux urbains comme seule condition de l’homme moderne.

Ses textes sont traduits et joués en Afrique, dans l’océan Indien, en Europe et en Amérique.

Louisna LaurentLouisna Laurent intègre en 2004 la troupe de théâtre Dram’Art, où elle fait ses premiers pas sur les planches sous la direction du metteur en scène Rolando Étienne. C’est une expérience déterminante dans son choix de carrière. Elle suit, parallèlement en 2007, sous le patronage de la Fokal, une formation en mise en scène avec la metteure en scène Catherine Boskowitz pendant deux ans. De 2012 à 2014, elle participe également au cycle de formation continue initié par Chantiers Nomade en direction des artistes enseignants d’art dramatique en milieu scolaire et associatif en Guadeloupe.

Elle joue, entre autres, dans « Ubu Roi » d’Alfred Jarry (2005), « Bâtisseur d’Empire » de Boris (2006) deux pièces mises en scène par Rolando Étienne, « La Chair du maître » d’Olivier Boudon, adaptée de l’œuvre du même nom de Danny Laferrière, « Si ce n’est toi » d’Édouard Bond (2011) mise en scène d’Albert Moleon… Sa dernière prestation date de 2017 dans la pièce « Pour les filles noires qui ont pensé au suicide alors que l’arc-en-ciel suffit », un texte de Ntozaki Change mis en scène de Michèle Lemoine (2017).

Elle est par ailleurs ingénieure culturelle, détentrice d’une licence en médiation culturelle, spécialité spectacle vivant et d’un Master 2 en développement de projets artistiques et culturels internationaux portant sur les enjeux et les défis de l'édition indépendante dans la Grande Caraïbe.

Elle s’essaie depuis quelque temps déjà à la lecture scénique et la mise en espace de textes littéraires. « Épilogue d’une trottoire » est sa première mise en scène.

Rolaphton MercureRolaphton Mercure de son nom d'artiste Rome, est né en Haïti le 26 septembre 1988. Il est slameur, acteur de cinéma, comédien de théâtre metteur en scène et cinéaste. Il a étudié le cinéma à Jacmel pendant deux ans.

De Juillet 2010 à Avril 2012, il fait de la comédie musicale avec la troupe Haïti en scène de Bertrand Labarre. Avec Jean René Lemoine, il a été interprète dans « Le jeu de l’amour et du Hasard », de Marivaux, dans la mise en scène de Jean-René Lemoine, joué en Haïti et au festival des Francophonies de Limoges, en France en 2013.

En Juillet 2017, il a mis en scène la pièce « La leçon » d'Eugène Ionesco dans le cadre du festival de théâtre En Lisant.

Avec son collectif de slameurs Hors Jeu, il a monté trois spectacles ainsi qu'une tournée nationale. Il a joué dans le film « Meurtre à Pacot » de Raoul Peck en 2014, doublé en créole son documentaire Assistance Mortelle, puis en 2016 il a joué dans le film « KAFOU » réalisé par Bruno Mourral.

Il a participé plusieurs fois au festival de théâtre Quatre Chemins. Il a réalisé plusieurs ateliers d'écriture à Port au Prince et aussi en province. Il a co-animé pendant un an une émission de culture urbaine à la Radio Nationale. En 2013, il a obtenu le prix de Caraïbes en création de l'institut français. Il vit à Port-au-Prince où il travaille sur son premier livre de poésie.

Adresse et contact

FOKAL - OPEN SOCIETY FOUNDATION HAITI
143, Avenue Christophe BP 2720 HT 6112
Port-au-Prince,Haïti | Tel : (509) 2813-1694

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